"Ô Conscience immobile et sereine, Tu veilles aux confins
du monde comme un sphinx d'éternité. Et pour-tant, à
certains tu livres ton secret : ceux-là peuvent devenir ton
vouloir souverain qui choisit sans préférer, exécute sans
désirer."
(La Mère, Prières et Méditations, 10 novembre 1924)
Cette Conscience immobile, c'est The Mother of Dreamsl, le
sphinx d'éternité qui veille aux confins du monde comme
une énigme à résoudre. Cette énigme, c'est le problème de
notre vie, la raison d'être de l'univers. Le problème de notre
vie est de réaliser le Divin, ou plutôt de reprendre
conscience du Divin qui est l'Univers, l'origine, la cause et la
fin de la vie.
Ceux qui trouvent le secret du sphinx d'éternité deviennent
le Pouvoir agissant et créateur.
Choisir sans préférer et exécuter sans désirer, est la
grande difficulté à la base du développement de la véritable
conscience et du contrôle de soi. Choisir, dans ce sens, veut
dire voir ce qui est vrai et lui donner existence; et choisir
ainsi, sans aucune inclination personnelle pour une chose,
une personne, une action, une circonstance, est bien ce
qu'il y a de plus difficile pour l'être humain ordinaire.
Pourtant, il faut arriver à agir sans avoir aucune préférence,
en dehors de toute attraction et de toute affinité, en se
basant uniquement sur la Vérité qui vous guide. Et après
avoir choisi selon la Vérité l'action à faire, il faut l'exécuter
sans aucun désir.
Si vous vous observez attentivement, vous verrez
qu'avant d'agir il faut avoir un élan intérieur, quelque
1 The Mother of Dreams (La Mère des Rêves), poème de Sri A1itobindo (Collected
Poems, p. 67).
chose qui vous pousse. Dans l'homme ordinaire, cet élan est
généralement le désir. Ce désir doit être remplacé par une
vision claire, précise et constante de la Vérité.
Quelques-uns appellent cela la Voix de Dieu, ou la
Volonté de Dieu. Le véritable sens de ces termes a été
faussé, c'est pour cela que je préfère dire "la Vérité",
quoique ce ne soit qu'un aspect très limité de Cela que nous
ne pouvons nommer, mais qui est la Source et le But de
toute existence. je n'emploie pas volontiers le mot Dieu,
parce que les religions en ont fait le nom d'un être toutpuissant
autre que sa création, en dehors d'elle. Ce qui est
inexact.
Pourtant, sur le plan physique, la différence est évidente.
Car nous sommes encore tout ce que nous ne voulons
plus être, et Lui, Il est tout ce que nous voulons devenir.
Comment savoir quelle est la Volonté divine?
On ne le sait pas, on le sent. Et pour le sentir il faut
vouloir avec une telle intensité, une telle sincérité, que
toute entrave disparaît. Tant que vous avez en vous une
préférence, un désir, une attraction, une affinité, toutes ces
choses vous voilent la Vérité. Donc, le premier travail est
d'essayer de maîtriser, diriger, corriger tous les mouvements
de votre conscience et éliminer ceux qui ne peuvent
être changés, jusqu'à ce qu'ils deviennent l'expression
parfaite et permanente de la Vérité.
Et vouloir même n'est pas assez, car très souvent on
oublie de vouloir.
Il faut une aspiration qui brûle dans l'être, comme un feu
constant, et chaque fois que vous avez un désir, une
préférence, une attraction, il faut le jeter dans le feu. Si
vous faites cela d'une façon persistante, vous verrez qu'une
petite lueur de conscience vraie commence à naître dans
votre conscience ordinaire. D'abord elle sera indistincte,
très loin derrière tout le bruit des désirs, des préférences,
des attractions et des affinités. Mais il faut passer derrière
tout cela et trouver cette conscience vraie, si calme, si
tranquille, presque silencieuse.
Ceux qui sont en contact avec la véritable conscience
voient toutes les possibilités à la fois, et sont capables de
choisir même la plus défavorable si c'est nécessaire. Mais
pour en arriver là, il faut parcourir un long chemin.
Faut-il neutraliser les préférences ou les oublier?
Il ne faut pas en avoir !
Quand le mental devient silencieux, quand il cesse de
juger, de se mettre en avant avec son prétendu savoir, on
commence à pouvoir résoudre le problème de la vie. Il faut
s'abstenir de juger, car le mental est seulement un
instrument d'action, pas un instrument de connaissance
vraie — la connaissance vraie vient d'ailleurs.
Si l'on s'abstenait de juger, on arriverait à une connaissance
de plus en plus précise de la Vérité, et les neuf
dixièmes de la misère du monde disparaîtraient.
Le grand désordre du monde serait en majeure partie
neutralisé si le mental pouvait admettre qu'il ne sait pas.
Puis il est question d'un passage de Aperçus et Pensées :
"Quand nous avons passé au-delà des jouissances,
nous avons la Béatitude. Le Désir fut une aide, le
Désir est l'entrave." Mère ajoute aussitôt :
... selon le stade où l'on se trouve.
Je parle naturellement pour ceux qui veulent sincèrement
devenir conscients de leur vérité vraie et l'exprimer
dans leur vie... Je pense que c'est le cas de tout le monde
ici.
Et je dis aux professeurs qu'ils doivent enseigner de plus
en plus selon la Vérité, car si nous avons une école ici, c'est
pour qu'elle soit différente des millions d'écoles dans le
monde, c'est pour donner aux enfants une chance de distinguer
entre la vie ordinaire et la vie divine, la vie de vérité
— de voir les choses autrement. Il est inutile de vouloir
répéter ici la vie ordinaire. Les professeurs ont pour mission
d'ouvrir les yeux des enfants à quelque chose qu'ils ne
trouveront nulle part ailleurs.